
Contre toute attente, la mutinerie conduite par E. Prigojine en Russie aura duré moins de 24 heures le 24 juin 2023. L’effondrement intérieur de la Fédération de Russie tant espéré par les Ukrainiens, l’OTAN et l’Union européenne n’aura finalement pas eu lieu…
Et si la rébellion aurait pu virer au drame, elle se dissout dans un calme assourdissant avant son apparente marche vers Moscou.
Dés lors, il est permis de se poser un certain nombre de questions.

Comment expliquer la rébellion ?
Pour Igor Delanoë, le groupe Wagner a très largement profité d’une brèche juridique pour asseoir ses responsabilités et prospérer.
Dans la même veine, la marche sur Moscou entamée dans la nuit du 24 juin 2023 par le chef de la société militaire privée Wagner n’a pas duré. Pour le journal russe “Moskovski Komsomolets”, ce coup de semonce rappelle que le pouvoir russe a trop longtemps joué avec le feu en maintenant un vide juridique total autour de ce type de structure
E . Prigojine se sentait mis au pied du mur
De fait. Igor Delanoë, directeur adjoint de l’Observatoire franco-russe, révèle dans l’Orient le jour, l’existence d’un contentieux entre le ministère de la Défense et M Prigojine. https://www.lorientlejour.com/article/1341685/rebellion-de-wagner-prigojine-se-sentait-mis-au-pied-du-mur-.html?fbclid=IwAR0C1Iq8xrQWihFqO5fZ1zVgHDd0AwvxmNvsDECj-xiJNutMMIdspqJIJVQ
Du reste, ces tensions apparaissaient au grand jour, et ce depuis octobre 2022.
C’est ainsi que depuis des mois, Evguéni Prigojine s’en prend par vidéos interposées au haut-commandement de l’armée russe, pour réclamer tout à la fois : davantage de munitions, accusant le Ministère de la défense d’incompétence dans la conduite de la guerre. Surtout à l’aune de la prise de Bakhmut. Etant entendu que pour Prigojine par opposition à Valeri Guerassimov, Chef d’État-major général des forces armées de la fédération de Russie, Bakhmut devait être détruite, précise le Colonel Jacques Baud.
A la mi-mai 2023, les médias occidentaux font remarquer que dans les dossiers appelés “Ukraine Leaks” il est question de tractations secrètes entre Prigojine et le renseignement ukrainien pour abréger la bataille de Bakhmut.
Tout récemment, et c’est doute cela qui a déclenché la rébellion, un arrêté , ourdit par le Ministère de la Défense qui enjoint les formations armées qui opèrent dans la zone de « l’opération spéciale » à signer un contrat avec l’institution, et ce, dés le 1er juillet 2023.
Pour mémoire, lors du forum de Saint-Pétersbourg, Vladimir Poutine a clairement fait savoir qu’il était souhaitable qu’un cadre légal soit trouvé pour encadrer l’activité des sociétés militaires privées.
On l’aura compris , E . Prigojine se sentait mis au pied du mur
Dans ce contexte, Prigojine agit bel et bien tel un entrepreneur de guerre et donc un homme d’affaires. L’absence de nouveaux contrats pour l’emploi de ses mercenaires remettait en cause son chiffre d’affaires. Il faut bien payer ses employés !
Dans la même veine, Prigojine n’a pas respecté la décision du ministère de la Défense de signer des contrats. Avant même les événements du 24 juin, il a été informé que le groupe Wagner ne participerait plus à l’opération spéciale. C’est du reste, ce qu’a déclaré Andreï Kartapolov, chef de la Commission de la défense de la Douma (chambre basse).
Dans cette perspective, Prigojine a été informé que s’il ne signait pas de contrats avec le ministère, il risquait de perdre son financement.
L’épopée d’Evguéni Prigojine pourrait aussi avoir été lancée en réaction aux frappes supposément menées, selon le patron de Wagner, par l’armée russe sur des positions de ses troupes. Si ces attaques sont avérées, cela signifie que « Moscou a voulu mettre hors d’état de nuire Prigojine », explique encore François Chauvancy dans Le Figaro. Si, au contraire, ces frappes n’ont jamais eu lieu, il peut s’agir d’un prétexte du patron de Wagner « pour déclencher une insurrection visant à contrecarrer une prochaine ‘nuit des Longs Couteaux’, lors de laquelle il aurait été éliminé », envisage le général Chauvancy.
A ce stade, chacun s’interrogera si cette mutinerie aura des répercussions sur les responsables militaires russes et le commandement de l’opération. Quid des remaniements dans les Etats majors ? « Beaucoup de rumeurs bien informées vont dans ce sens. Quant à Wagner, l’essentiel de ses activités devrait se concentrer sur d’autres horizons »…Pronostique Igor Delanoë.
Dés lors , une partie des opérations du groupe Wagner, notamment celles qui se déroulaient en Ukraine, vont être reprises en main ou encadrée plus vigoureusement par le ministère russe de la Défense, prévoit l’expert. « Mais je pense qu’Evguéni Prigojine conservera l’essentiel de ses opérations au Moyen-Orient et en Afrique sous son contrôle direct. » Confie t-il aux médias helvétiques.https://www.rts.ch/info/monde/14129838-quel-avenir-pour-le-groupe-wagner-apres-le-soulevement-avorte-contre-moscou.html?fbclid=IwAR0ncQu2LjMb-wyPkvjNU3xCp1ZqoNUz3oyFl_vbQZwlW90a1fvV0aDUHbw
Dans cette perspective, il est fort à parier que les activités de Wagner puissent à l’avenir se renforcer et s’intensifier au Moyen-Orient…
Wagner a conservé ses positions et même, pour ce qui est de l’Afrique, il les ont étendues
A moins que les choses viennent à très mal tourner pour la Russie sur la ligne de front, les activités de Wagner risquent de se concentrer désormais sur l’Afrique et le Moyen-Orient. Quand la guerre en Ukraine a éclaté, tout le monde disait que l’empreinte de Wagner allait complètement s’amoindrir sur l’Afrique et le Moyen-Orient parce que les mercenaires seraient complètement accaparés par le champ de bataille ukrainien. On a vu qu’il n’en était rien :Igor Delanoë, le souligne volontiers : « Ils ont conservé leurs positions et même, pour ce qui est de l’Afrique, ils les ont étendues ».
Comme le note judicieusement I. Delanoë « M. Prigojine s’est rendu passablement indispensable dans ces zones en rendant de sacrés services à la Russie et pour l’instant, il est toujours utile. Un des compromis qui pourrait être trouvé serait qu’il s’occupe principalement d’Afrique et du Moyen-Orient et qu’il délaisse l’Ukraine et la Russie. »
Qu’on y songe, Wagner, à travers ses activités en Afrique, permet à Moscou de pallier la faiblesse de son dispositif militaire africain. Cette société à but lucratif sait pouvoir compter sur l’État russe via des soutiens financiers, logistiques et matériels pour, le cas échéant, déployer ses activités à travers différentes filiales, avec des succès avérés en termes d’implantation en République centrafricaine et au Mali… par opposition à des revers comme ce fut le cas en Mozambique.
Par Olivier d’Auzon