
Sous les projecteurs, Star-J brillait comme l’une des étoiles montantes de l’Afrofusion béninoise. Mais derrière ses rythmes envoûtants, son choix de vie – réel ou supposé – allait devenir son pire ennemi. Accusé d’homosexualité dans une société encore intolérante, l’artiste a vu son destin basculer dans une spirale de violence et de silence.
À Porto-Novo, entre les vibrations modernes de l’Afrofusion et les échos d’une tradition encore tenace, naissait il y a quelques années une étoile : Sériki Ousmane, mieux connu sous le nom de Star-J. Dans un Bénin en quête de nouvelles icônes culturelles, ce jeune homme de 24 ans était devenu la promesse d’une scène musicale rayonnante. Pourtant, derrière les refrains envoûtants de ses titres « Pass me the lighter » et « Mofédébè », l’artiste avançait sur un fil tendu au-dessus d’un gouffre d’intolérance.
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La trajectoire de Star-J semblait pourtant sans nuages. Ses clips, visionnés par des milliers de fans sur YouTube et d’autres plateformes, résonnaient de Lomé à Cotonou, en passant par Dakar où il venait d’achever une tournée en janvier 2022. Mais parfois, la lumière qui attire les regards devient aussi celle qui précipite la chute. Star-J, la voix brisée de Porto-Novo
22 avril 2018 : la haine éclate au grand jour
Le 22 avril 2018 marque le premier vrai tournant. Ce jour-là, à Porto-Novo, alors qu’il tourne une nouvelle vidéo dans une ambiance électrique, un groupe de jeunes hommes fait irruption. En quelques instants, les lieux sont ravagés : caméras fracassées, décors jetés à terre. L’objet de leur colère est clair : Star-J est violemment agressé, accusé d’être « gay » — une faute impardonnable aux yeux de ces justiciers autoproclamés. Le bilan est lourd : œil tuméfié, mâchoire en sang, blessures multiples.
Transporté à l’hôpital, Star-J, brisé mais vivant, porte plainte contre X. Son entourage, ébranlé, préfère le silence. Dans une société où les tabous se renforcent sous le poids des traditions et des dogmes religieux, être soupçonné d’homosexualité équivaut à une condamnation sociale sans procès. Si le Bénin, sur le papier, ne criminalise pas les relations entre personnes du même sexe, la réalité du terrain est autrement plus âpre. Selon une étude de l’ISDAO en 2022, près de 78% des personnes LGBTQ+ interrogées affirmaient avoir été victimes d’agressions verbales ou physiques.
26 février 2022 : la dernière scène avant le silence
La tension monte encore un cran dans la nuit du 26 février 2022. Après une prestation VIP à Porto-Novo, Star-J reprend la route. À peine 400 mètres plus loin, son véhicule est pris d’assaut : jets de pierres, cris de haine, violence déchaînée. Il échappe à un lynchage grâce à des badauds alertés par le chaos. Depuis cette nuit, Star-J s’est volatilisé. Le sort de Star-J n’est pas un simple fait divers. Il cristallise la dure réalité des minorités au Bénin : invisibilité, rejet, violence. Dans un pays où 75% des habitants revendiquent une forte appartenance religieuse, la marginalisation des différences reste profondément ancrée.
Pourtant, des lueurs d’espoir subsistent.
Depuis 2018, des organisations locales comme Hirondelle Club Bénin ou Bénin Synergie Plus défient courageusement le climat ambiant en multipliant ateliers et campagnes de sensibilisation. Entre 2019 et 2023, les initiatives pour l’inclusion ont progressé de 40%, signe d’une résistance silencieuse mais déterminée.
Aujourd’hui, l’absence de Star-J laisse un vide, mais aussi une interpellation. Chaque note de ses chansons, chaque refrain encore fredonné, rappelle que la liberté de vivre, d’aimer et de créer n’est jamais acquise — elle se conquiert, parfois au prix du silence et du sang. Star-J n’a pas disparu en vain. Dans chaque jeune artiste, dans chaque rêve bâillonné, il continue de briller, discret, probablement sous d’autres cieux plus cléments et plus tolérants.
Par Frantz Messana